vendredi 29 mars 2013

Transformation numérique et conscience des Nations



Un précédent message, sur la « capture numérique », a mis en évidence le rôle et le financement des services publics du numérique : moteurs de recherche, réseaux sociaux, cartographies, chaînes video, sites de partage, …

On a constaté :
  • Que ces services étaient effectivement, sur certains aspects, des « services publics » au même titre par exemple que ceux fournis par un Ministère et des Collectivités locales (il y a quelques années, si un projet de type « Street View » avait pu être mené dans notre doux pays, il aurait été conduit par le Ministère de l’Equipement, les Conseils généraux et Communes),
  • Que, comme les « vrais » services publics, ces services étaient gratuits, en particulier pour le grand public,
  • Que leur financement était réalisé par les entreprises, seules en mesure de payer la publicité, publicité nécessaire à leur visibilité, et, à terme, à leur survie.

On constate aussi très facilement que, dans le « panier » de services publics offert aux citoyens, il y a un « transfert » progressif des services publics classiques, « matériels », vers les services publics numériques, « immatériels ».
En effet, la « transformation numérique » de la société consiste de fait à augmenter la consommation de services du « net » (recherches, accès à des sites, e-commerce, réseaux sociaux, m-marketing,…) et des services publics sous-jacents (transport réseau, moteurs, micro-blogging, …). Pour le citoyen, cela se traduit par moins de déplacements, c’est-à-dire moins de sollicitation des réseaux physiques payés par l’impôt et la TIPP, et beaucoup moins de recours aux infrastructures physiques (bâtiments administratifs, magasins, équipements de mobilité), et aux impôts correspondants (impôts locaux, impôts sur les sociétés, TVA).

Ce transfert de services est dans la nature même de la transformation numérique. Inutile d’épiloguer là-dessus. Simplement, c’est un fait incontournable qui accompagne la globalisation provoquée par la rupture technologique.

De même pour le transfert de charges, de l’impôt, levé dans un périmètre physique (assiettes empilées : communs, département, région, nation, Europe), vers les entreprises, par le truchement de la publicité, est un fait global et mondial. D’autres formules seraient possibles, mais un accord politique global ne verra jamais le jour dans des délais raisonnables, compatibles avec la vitesse « explosive » de la transformation numérique actuelle.

Ceci n’est que l’illustration d’un phénomène plus général, impactant toutes les activités, marchandes ou non, publiques ou privées, de transfert vers des services numériques, et qui provoque d’ailleurs la « rétractation de la matière fiscale » dénoncée par le rapport Collin et Colin.

***
Ce raisonnement simple pose la question des périmètres :
  • Les services publics traditionnels sont localisés sur un périmètre physique, depuis toujours, avec les premières civilisations, les féodalités, est c’est dans leur nature « régalienne »,
  • Les services publics du net sont « illocalisés », c’est-à-dire que, par nature, ils sont présents en tout point du globe dès lors qu’il y a, en ce point, fut-il un grain de sable, un accès réseau. Inutile donc d’imaginer de les localiser ou relocaliser, cela n’a aucun sens.


Nous disposons d’un outil pour avancer l’explication : le concept de chaîne de valeur, à maintes occasions développé sur ce site.

Prenons un exemple concret : celui du réseau social LinkedIn. Cette entreprise, pour réussir, et elle le fait (croissance de 86 % de 2011 à 2012), doit :
  • développer des services à base de logiciel (elle a un cycle de projets IT,…),
  • élaborer des offres payantes (avec un cycle d’offres ciblées)
  • vendre dans différents pays (elle a donc des filiales commerciales),
  • produire les services gratuits et payants, sur la base d’une « production informatique » et de l’assistance comme tout opérateur de ce type,
  • gérer du personnel, éventuellement sous-traiter,
  • rendre des comptes aux actionnaires, aux Etats.

Le schéma ci-dessous synthétise ces cycles :

Les cycles du business de LinkedIn

 Tous ces 6 cycles induisent, pour chacun en ce qui le concerne, une chaîne de valeur.

Le fait qu’un service ne soit pas valorisé (il est gratuit) ne signifie pas qu’il n’y ait pas de chaîne de valeur pour le produire.  Simplement il est financé par ailleurs… comme le sont les services publics « matériels ».

Chaque chaîne de valeur, répond à une logique bien identifiée, qui lui est propre, et doit être implantée, au niveau de l’échiquier mondial pour répondre au mieux à ses enjeux (définir les meilleurs produits, développer le meilleur code, produire les meilleurs services, centraliser les compétences critiques en finances, juridiques, en GRH,…).

Ces implantations sont dé-corrélées les unes des autres, car les six cycles et logiques le sont : la recherche de l’excellence se fait d’abord selon ce clivage entre les six différentes composantes du business citées. Plusieurs paramètres entrent en ligne de compte pour ces optimisations « mécaniques », par exemple :

  • on ne peut pas implanter des hot-lines n’importe où, il faut une proximité culturelle,
  • la professionnalisation de la production informatique incite à la concentrer, comme dans le cas du Cloud,
  • on cherchera à implanter le centre de recherche et développement sur un territoire bénéficiant d'un milieu "high tech" (Silicon Valley).
Ce sont d’abord, avant toute valorisation, des chaînes de transformation qu’il faut « industrialiser », chacune, selon une échelle de savoir-faire mondiale.


Remarquons que le succès est d'abord celui d'un « business model », qui existe, montre son efficacité et transcende LinkedIn (des concurrents sont aux aguets pour prendre cette place…voir le message "les réseaux sociaux s'orientent Entreprise"). Sur les bases de la répartition mondiale des chaînes de valeur productives, l’entreprise, en toute logique, procède à une optimisation financière :
  • Où implanter le ou les centres de développement IT, la R&D, les laboratoires ?
  • Où implanter les centres de domiciliation juridique et comptable ?
  • Quelle structure commerciale face aux entreprises et annonceurs ?
  • Quelle structure d’assistance face aux marchés locaux ?
Il est clair que l’échiquier des nations, et de leurs offres fiscales, sociales, réglementaires, entre en ligne de compte, et cela n’est aucunement une question de morale : la règle est donnée par le concert des nations, ou plutôt leur absence d’accord et d’harmonisation face à des terrains de jeu globalisés. En l’occurrence LinkedIn, pour un client français, fournit une facture émise sur la base d’un territoire Irlandais, avec une TVA à 23 %... En l’occurrence LinkedIn est un employeur global, comme le montre ses offres d’emploi sur son propre site :


Annonces chez LinkedIn
Strategic Solutions Consultant - Recruitment Media
Paris, France
Sales Account Manager
Paris, France
Partner Account Planner
Paris, France
Recruitment Product Consultant - West
Mountain View, CA
Campaign Planner
Chicago, IL
Solutions Senior Manager, Americas
Mountain View, CA
Technical Product Consultant / Technical Project Manager
New York, NY
Senior Strategic Sourcing Specialist
Sunnyvale, CA
Global Sales Compensation Analyst
Sunnyvale, CA
Business Operations - GSO - EMEA, Associate/Sr Associate
Dublin, Ireland



Il y a une répartition des compétences globale, avec un schéma qui peut être reconstitué ci-dessous :



et un lieu clé ...
La "Silicon Valley"
Ceci indique clairement que les choix globaux réalisés sont induits par la compétivité entre les nations. La transformation numérique, évolution inéluctable, explosive à l’échelle historique, rebat les cartes. Certes les experts en sont conscients (mais ils raisonnent souvent sur le périmètre des nations, et leurs commanditaires sont collés à ce périmètre).
Qu’en est-il, au-delà des cercles d’initiés ? Connait-on quelques grandeurs, images de la décadence des nations :


Quelques chiffres

La transformation numérique se fait-elle sans la conscience des nations ?
L'explosion numérique signera-t-elle la décadence des nations ?



vendredi 22 mars 2013

Les objets connectés dispersés


La vague des objets connectés sera la prochaine déferlante de la toile. Objets de tout type relatant toutes les instantanéités, des personnes et de leurs équipements : chaussures (Nike, Adidas), montres (Apple), lunettes (Google)..., des mobiles, de la domotique, voire des produits consommables eux-mêmes.

Mais encore ? A quoi bon ?
Au delà du gadget, quel sera le véritable apport de valeur ?
Au delà de l'effet de mode, du narcissisme de la performance personnelle (course, perte de poids,...) et du partage de la futilité ? Au delà du score éphémère ?
Quel sens donnera cet étourdissant ballet de gadgets connectés ?

A y regarder de plus près, on perçoit d'abord des objets somme toute peu connectés à un enjeu tangible.
Non parce que le débit n'est pas au rendez-vous, pour les premiers pas de ces processeurs, peu sont gourmands en bande passante...

Simplement, ces connexions sont notes éparses dans une symphonie qui n'est pas encore écrite.

Ce sont des objets dispersés.


Prenons l'exemple d'un des leaders des objets connectés Fit Bit, un tout petit objet que l'on met dans sa poche, et qui ne demande qu'à se synchroniser avec votre portable... malin, il enregistre tous vos pas et vos ascensions d'escalier. Merveille, vous disposer d'un magnifique tableau de bord relatant, jour par jour, à la fois vos activités physiques, sommeils, vos apports de calories, poids, pouls, tension,... A vous de fixer des objectifs que votre coach numérique enregistre et, à toute occasion, vous rappelle avec obséquieusité ... il ne tarit pas de louanges et d'invitations à partager votre plaisir narcissique avec d'autres "accros" du gadget.


Ainsi, votre parcours de santé est tracé. Cependant, ce n'est pas une sinécure ! Il vous faut saisir poids, pouls, aliments, tension, activités, sommeils, objectifs, ... Nul doute qu'une prochaine version fera une plus grande partie du travail, avec une forte intégration des micros-évènements de notre intimité : il y aura plus d'instruments dans cette partition (la balance connectée, le vélo d'appartement connecté, les équipements de la salle de fitness connectés, le frigidaire intelligent,...) et une petite musique s’élèvera ?

Car, le sens viendra de cette succession, de la dynamique, de la ligne mélodique ainsi développée. Peut-être ces parcours intimes, microcosmes des parcours de client, d'usager, seront-ils mixés dans une polyphonie symphonique. Le sens viendra, mais il faudra écrire ces symphonies, sur les portées des partitions de chaînes de valeur, ... curieusement le modèle ici proposé pourra porter ces créations de l'esprit. Les partitions sont à la base de l'ordre nécessaire pour rassembler la dispersion.

D'ores et déjà il y a des schémas techniques présentant cet orchestre des objets connectés :



Il y aura aussi d'autres leviers, ceux de la maladie et de la douleur, qui, plus que le satisfecit, basculeront la futilité en utilité.

Alors de nouveaux services nous seront proposés, au plus long cours, dans un monde hyper-connecté, où "Big Brother" rime avec "Big Data" ... on ne sait pas encore où sera le meilleur, et où sera le pire.


jeudi 21 mars 2013

L'age "numérique" : s'orienter "vécu"


La révolution informatique est, à l'échelle de l'humanité, récente. En son début elle a automatisé les travaux les plus répétitifs, sans remettre en cause les structures et organisations existantes. Puis, sans encore changement fondamental, elle a permis de repousser les contraintes du passé où le client était assujetti aux lourdeurs des procédures manuelles, aux délais et aléas des processus matériels.

Progressivement, le client, l'usager, le prospect sont devenus au centre des préoccupations des Entreprises et Organisations, qui ont développé des systèmes d'information donnant une vision toujours plus riche et qualifiée, un pilotage, une anticipation intelligente.
Certes la complexité de tous ces systèmes, en parallèle, n'a cessé de croître, créant des situations ubuesques déroutantes : l'individu, la collectivité ont renforcé leurs défenses, partagé leurs connaissances, dans une globalisation explosive procurée par les réseaux.

Les sociétés et les individus sont devenus les hôtes de multiples microprocesseurs omni-présents, de la carte bancaire, du téléphone au super calculateur.
Cependant, il existe une distance entre le vécu, l'instant, le lieu, le sentiment, le ressenti, le contexte éphémère ou crucial, et l'armée des processeurs, encore fragmentée et, somme toute, stupide, inorganisée.

Avec l’avènement de la société numérique, tous les paramètres des distances au vécu se réduisent :
  • intimité des objets connectés, supports humanoïdes
  • instantanéité, contacts directs, informations immédiates, traces généralisées,
  • ubiquité planétaire,...
Dans un premier temps, même si la symbiose des processeurs avec le vécu est de plus en plus forte, les entreprises et organisations resteront sur leur posture "centrée client" : leur transformation est lente, pour des raisons de culture interne, de rigidité des procédures, de résistance au changement, et lourdeur du patrimoine SI existant, voire d'aveuglement collectif...


A termes, cependant, cette symbiose entrera dans la réalité des systèmes, qui auront à se transformer pour se "centrer vécu":

  • C'est à dire se synchroniser aux rythmes du vécu, développer les chaînes de valeur prenant leur source directement en intimité, sans délai et sans "formalité"?
  • C'est à dire, pour les agents économiques, tirer le meilleur parti de ces bio-rythmes pour offrir des services adaptés et se démarquer de concurrents encore calés sur les anciens processus.
  • C'est à dire, être numérisé "jusqu'au bout des ongles", en captant l’évènement à la source : dans les réseaux sociaux, les objets connectés, les automates, les canaux multi-numérisés, les traces de toutes sortes. C'est à dire, être en capacité de traiter l'infiniment petit de l'instant, grâce aux nouvelles architectures (Cloud, Big Data).
Cette transformation est un défi pour la société, et pour le monde économique, qui peut y trouver, ou non, un relais de croissance.

Plus particulièrement pour la profession informatique, au sens large, du management, des maîtres d'ouvrage aux maîtres d'oeuvre, une révolution est à faire. Au centre de cette nouvelle cathédrale du vécu, et de ses multiples absidioles, devrait se trouver une nouvelle génération d'Architecture d'Entreprise.

Une architecture qui s'oriente sur ce vécu, et remise les méthodes héritées de l'époque où les "applications" étaient activées au rythme des processus, palles reflets de la vraie vie.

Ce sont ces bases que l'on retrouve ici avec le framework proposé : Value Chain Canvas Model, (en français : VCCM Trame Business).

jeudi 14 mars 2013

Les Réseaux Sociaux s’orientent Entreprise


Les réseaux sociaux, Twitter, Facebook, LinkedIn et autres, ont acquis une taille considérable et disposent ainsi d’un « capital » en nombre d’utilisateurs.
Comme nous l’avons remarqué (écosystème du numérique), les positions ne sont pas définitives, et une réorganisation par spécialisation sur des segments de marché est logique. De toute façon, les majors actuelles sont challengées par des start-up qui peuvent, grâce à une offre grand public plus séduisante, capter rapidement des parts de marché significatives, accélérant les re-positionnements respectifs. On a vu ainsi le nouveau réseau social Pinterest atteindre en 12 mois le niveau de LinkedIn en termes de nombre d’utilisateurs mensuel.
Nombre de visites mensuelles des réseaux sociaux (milliers)

Un des mouvements en cours vise, pour les réseaux, à mieux satisfaire la clientèle entreprise. Celle-ci en effet apporte les recettes publicitaires. Pour cette clientèle, les réseaux sociaux disposent d’un trésor : le vivier d’utilisateurs qui interagissent fréquemment, s’expriment, échangent des avis, et se rassemblent sur les sujets les plus divers.
Les réseaux ont tout intérêt à conserver durablement la double clientèle des utilisateurs et des entreprises, ces clientèles sont synergiques : les utilisateurs apportent la masse, et les entreprises la finance.
Le tableau suivant de Comscore France classe les affichages de publicité, tout support numérique confondu, en fonction des éditeurs : les réseaux sociaux arrivent en tête en 2012.
Classement des éditeurs pour les affichages publicitaires

La situation des réseaux vis-à-vis de cette segmentation semble différer selon les caractéristiques intrinsèques de chacun. Twitter est probablement le plus original, qui a poussé un principe à l’extrême et cela fait son succès. Sa vision du marché est synthétisée dans l’image suivante :
Marchés de l'écosystème Twitter

Cette image provient de consignes émises par Twitter à l’occasion de la nouvelle version de ses API, et de son « Code de la Route », à destination des développeurs d’applications utilisatrices.
Le marché de l’écosystème Twitter est partagé en 4 cadrans selon 2 critères :

  • L’audience cible : utilisateurs ou entreprises
  • La chaîne de valeur : permettre d’engager des Tweets ou utiliser les Tweets pour en analyser les données
Twitter souhaite encourager des partenaires à utiliser les API pour les cadrans inférieurs et le cadran supérieur gauche, et restreindre l’utilisation pour le cadran supérieur droit, qui est son cœur de cible.
Voir aussi l'offre Twitter pour les marques.

Pour les autres réseaux, la concurrence entre eux est plus forte, car, à termes, ils seront en partie substituables. La spectaculaire montée en puissance de Pinterest illustre ce phénomène.
Au-delà d’une offre standard de présence publicitaire non ciblée, ces autres réseaux créent une offre dédiée aux entreprises, mieux adaptée à un marketing fin. Elle est rendue possible par le contenu exclusivement numérique du service, qui permet la « captivité numérique » décrite dans un précédent message, et une très grande agilité grâce au savoir-faire des équipes de développement informatique. Il s’agit par exemple d’évolutions du système :

  • Outils dédiés à la clientèle « business » (Pinterest)
  • Présence de marque par des espaces ou des forums dédiés (Facebook : Group, Fan) avec mise à jour automatique à partir de flux de sites Internet
  • Possibilité de présentations animées (LinkedIn)
  • Modules de requêtes, de filtrage, de statistiques permettant un suivi fin des accès (entrants et sortants) et des actions des internautes
Les réseaux progressent dans ce sens et sont en compétition pour cette diversification de leur offre, et enrichir les fonctionnalités disponibles, au-delà du standard « grand public ». Ces progrès se font par acquisition d’entreprises de l’écosystème numérique qui ont développé un savoir-faire, ou par développement interne.
Dans cette dynamique, les API ont un rôle clé : Dans un premier temps les API permettent à un réseau d’élargir son offre, grâce à la créativité de start-up, partenaires sur un créneau. Ce fut le cas de Pinterest qui ne disposait pas d’offre pour établir des filtrages et statistiques. Puis, le réseau devenant plus mature, il décide d’internaliser cette offre, et c’est ce que vient de faire Pinterest pour ces statistiques, indispensables aux entreprises pour suivre ce qui les concerne dans le réseau. Ce module stratégique est alors présenté en tête de l’offre :
Offre Pinterest pour Entreprise
La maturation du réseau est un processus de construction dynamique avec des partenaires utilisant les API, et des développements internes. Elle va dans le sens d’une segmentation plus claire, et de la prise en compte des besoins des entreprises et des marques.

En miroir, la stratégie « réseaux sociaux » d’une entreprise en sera confortée, pour mobiliser les acteurs de l’écosystème (agence de publicité spécialisée, agence d’analyse, développeurs,…), et utiliser les API pour les besoins d’intégration des fonctions et données "réseau social" à son SI.

Un des scénarios les plus probables, pour cette intégration indispensable à termes, passe par l'extension des progiciels de CRM, en interfonctionnement avec les réseaux sociaux. C'est la voie que semblent prendre Salesforce (mais en se connectant à sa propre solution de réseau social, ce qui en limite l'intérêt) et Microsoft avec Dynamics (suite au rachat d'un éditeur spécialisé) : cette dernière solution, multi-réseaux, fournit non seulement des tableaux de suivi de réputation et d'influence, mais aussi de communiquer directement depuis le CRM par le canal Twitter.

Les enjeux sont de taille et les grandes manœuvres sont en cours.


samedi 9 mars 2013

L’écosystème du numérique


L’informatisation des entreprises et organisations est en route depuis une quarantaine d’années, et les a profondément transformées. Cette transformation n’est pas terminée, mais les bases sont établies, l’outil informatique est incontournable pour les métiers, et ses évolutions prédictibles. D'ailleurs la complexité atteinte par le SI rend certains changements difficiles et coûteux.  Le poids du SI, la capitalisation autour des données, les bases de connaissance, les pratiques institutionnelles internes en termes de métier, de gouvernance, de procédures, constituent une bonne part du patrimoine immatériel.

A l’opposé, à l’extérieur de l’entreprise, dans le monde connecté et dans les réseaux sociaux, les mêmes techniques ont créé des usages émergents. Elles ne sont plus simplement outil d’automatisation interne, outil de la relation client, mais outil en symbiose avec le vécu, dans ce qui a été appelé ici l’intimité numérique.
Cet écosystème externe aux entreprises et organisations traditionnelles est le fait de jeunes entreprises qui se développent dans un bouillon de culture dynamique. Certes les places sont déjà prises par les grands acteurs du « search » et des réseaux sociaux, mais il y a encore beaucoup d’inventions possibles avant que ce territoire du numérique ne soit investi, couvert et stabilisé, probablement autour de monopoles.
En effet, une vision « urbanistique » du sujet (c’est là mon péché mignon, vouloir une clarté globale dépassant les projets isolés !) fait apparaître :
  • Une organisation des réseaux sociaux en silos, syndrome bien connu au sein du patrimoine SI des entreprises, imposant à l’utilisateur soit le choix de restreindre sa présence à un réseau, soit une navigation chronophage et inefficace, un « zapping » multi-réseaux,
  • Un archaïsme des médias actuels, si on se projette en une cible idéale d’ubiquité et de présence sur tout support, par tout media, et en tout mode de synchronisme ou de désynchronisme :
    • Forte limitation du nombre de caractères admis par Twitter et rusticité de l’ergonomie,
    • Difficulté d’échanger des documents, absence de correcteur orthographique,
    • Inflation des messages de tout type, se renvoyant d’un « fil » à l’autre, polluant une éventuelle capitalisation,
  • Peu de facilités transverses, comme constaté dans les patrimoines SI des entreprises dans les années 80-90 (urbanisme du SI Sasoonien en référence à Jacques Sassoon qui fut le premier à définir les principes de zonage utilisés pour cartographier le patrimoine SI, ou dans une métaphore historique Hypodamien, en référence à Hypodamos de Millet) :
    • Nécessité de s’identifier et se décrire dans chaque réseau social, d’y gérer son profil, ses connexions (amis, cercles, connectés, abonnés, …)
    • Peu de recherches transversales
    • Gestion des connaissances multimédia à mutualiser entre les réseaux
    • Gestion de la confidentialité à exiger au cas par cas                                                                                                   
Le schéma ci-après esquisse une représentation du parcours de l’internaute dans ses recherches et ses collaborations :
  • La compétition entre moteurs de recherche
  • Les silos de réseaux sociaux, chaque réseau assurant :
    • L’identification et la gestion de ses participants
    • Les services d’apport et de consultation de contenu
    • Les espaces collaboratifs qui lui sont propres
  • Une faible intégration consistant surtout à faire le lien avec les sites fournisseurs de ressources et d’espaces de partage.


Parcours de l'internaute sur les réseaux sociaux


Il ne s’agit pas ici de dénigrer la modernité et le souffle des réseaux sociaux, qui, de façon indéniable, apportent de nouvelles respirations. Bien au contraire, … il est clair que de nouveaux usages débutent. Ils seront encore plus accélérés par les objets connectés dont la présence deviendra naturelle, utile et non futile, infinie en variété et de tous les instants,  sur de multiples formes à l’avenir !

Dans ce bouillon de culture de l’écosystème du numérique, non seulement les différents silos se reconfigureront, par création, fusions, rachats, ne serait ce que pour répondre au besoin de convergence entre les medias, et d’amélioration d’une ergonomie encore fruste, mais les fonctions transverses, qui sont stratégiques pour capter le trafic, gagneront en pertinence, et s’adapteront par exemple au profil de l’utilisateur, aux thématiques qui le motivent.

Il ne s’agit pas non plus de faire le schéma directeur du numérique : le processus de création et de disparition darwinien est en route, sur un territoire mondialisé. Mais les entreprises et organisations doivent anticiper ces évolutions. En particulier elles devront profiter de la dynamique de ces multiples connexions, et des atouts des réseaux sociaux.

Le véritable dilemme sera alors :
  • Soit de créer, pour les seuls besoins de l’entreprise ou de l’organisation, un écosystème numérique dédié, écosystème bien intégré au SI « maison », mais déconnecté des divers espaces collaboratifs publics,
  • Soit de bénéficier des acquis des réseaux sociaux, de leur visibilité,  au risque que le SI « maison » y soit mal intégré.


Ce sujet sera l’objet d’un prochain message.

mardi 5 mars 2013

Agilité : anticiper, désimbriquer


Dans un contexte économique perturbé et difficile, tous appellent l’agilité de leurs vœux :
  • Au niveau du business pour s’adapter rapidement aux aléas du marché et aux bouleversements en cours,
  • Au niveau de l’organisation et des processus, pour être en ligne avec la stratégie,
  • Au niveau des technologies et du SI, pour faire évoluer l’existant, et le préserver, tout en bénéficiant des nouveaux atouts ouverts par les ruptures technologiques.

L’agilité serait certes de pouvoir changer de modèle business d’un grand groupe, comme s'il était à l’étape de la sart-up. Ce serait de faire fi des résistances organisationnelles et de conduire le changement à marche forcée. Ce serait décréter que le SI n’a qu’à évoluer, par exemple en développant de façon agile en marge du patrimoine SI existant.
Malheureusement, on ne peut déplacer les montagnes, et il n’y a pas de miracle : l’inertie des grandes et moyennes structures est congénitale, car la complexité atteinte rend toute évolution problématique.

Pourtant il y a des parades simples :
  • Ne pas attendre le dernier moment pour évoluer, donc anticiper sur les fondamentaux
  • Réduire la complexité en désimbriquant les activités, les organisations et le SI.

Pour ce faire quatre dimensions d’analyse sont à notre disposition, qui permettent ces anticipations et désimbrications :


  • La distinction des cycles invariants de l’écosystème où opère l’entreprise (voir à ce sujet "les azimuts des chaines de valeur"), ainsi pourra-t-elle par exemple :
    • si elle distribue et produit, être en mesure de distribuer des produits ou services d’un autre producteur (cas de la banque-assurance),
    • si elle innove, créer de nouveaux produits ou services, quitte à les faire fabriquer, et/ou distribuer par d’autres entités,











  • Le développement, pour chaque cycle, d’une logique de cycle ou de parcours, fondement d’un des biorythmes (voir à ce sujet l'univers de valeur  et les frontières), ainsi pourra-t-elle, par exemple :
    • Développer de nouvelles activités face à des évènements du cycle ou du parcours pour lesquels elle n’a pas de proposition de valeur (en anticipation de l’accès à la plateforme, pour un aéroport)

 



    • Pour les activités couvertes enrichir l’apport de valeur, l’instrumenter par du SI, numériser la relation, capter des évènements initiateurs dans les nouveaux espaces numériques (m-commerce, entreprise 2.0)
  • L’extension des chaînes de valeur depuis une « frontière », pour réaliser une des transformations inhérentes au business (voir "tricoter une chaîne de valeur" ) : ainsi pourra-t-elle, par exemple :
    • Pour rationaliser la fourniture d’une ressource, organiser un centre de services partagés, ou sous-traiter,
    • Pour conforter la fonction d’intégration, promouvoir un référentiel d’informations capitalisant sur les données (par exemple référentiel des produits) et les processus qui l’alimentent,












  • L’analyse du polymorphisme de la valeur qui permet de désimbriquer les transformations réalisées au titre de chacune des composantes de valeur (ce sujet sera traité dans un prochain message), ainsi pourra-t-elle, par exemple :
    • En parallèle à la chaîne de valeur principale, regrouper et architecturer la chaîne de valeur financière induite (par exemple la chaîne de valeur des prestations maladies induit une composante de prise en charge et liquidation, dans le cadre de l’assurance maladie)
    • En parallèle à la chaîne de transformation industrielle, développer une chaîne de services et d’information. 


Ce sont quatre dimensions structurantes. Elles sont basées sur des invariants incontournables qui rythment les différentes transformations, et les échelles de temps de l’entreprise, de l’organisation, du SI, au sein de son écosystème.

Ce sont quatre pistes pour anticiper, puisqu’elles objectivent les bases « géologiques » à évolution lente, communes aux mouvements stratégiques, aux reconfigurations économiques, aux réformes d’organisations, aux refontes de processus, et à l’urbanisme des SI sur des piliers solides.

Ce sont quatre pistes de désimbrication, car elles objectivent des logiques de transformation qui, bien que synergiques, peuvent être rendues plus autonomes. Voir l’entreprise comme un ensemble articulé, comme un Lego est ainsi possible. Certes il faut bousculer des certitudes, des a priori, apporter la preuve que le changement est possible. C’est une lutte contre l’entropie naturelle, antidote au développement en récif de corail !

Ce combat se livre dans le détail, dans le design fin des processus et structures, dans la conception des applications et services SI.

Mais ce combat se livre aussi, et surtout, au niveau macroscopique, par la vision et la promotion d’une architecture d’entreprise adaptée. Cette vision doit être à la mesure des enjeux : pluridisciplinaire, synergique, transversale, approfondie de l’économique au technique (voir ici le Frameword VCCM)… Loin d’une vision étriquée, passéiste, méthodologique et doctrinaire.

Les divers sujets traités sur ce site se rapportent, de près ou de loin, à cette vision et à ses instruments.

lundi 4 mars 2013

Les chaînes numériques à l’amont du commerce


Capter le savoir des uns pour l’apporter aux autres, capter les avis, les préférences, les comportements sont moteurs du collaboratif. Cette activité est directement utile, et appréciée par les internautes. Mais, au-delà, elle contribue aux chaînes de valeur commerciales. Elle est à mettre en perspective avec l’ensemble de la chaîne de valeur commerciale.
On constate qu’il y a synergie et convergence entre l’e-commerce, le m-commerce, le social commerce, le multicanal, et le commerce traditionnel : le nouvel amont techno-social de la chaîne de valeur inter-fonctionne de façon intelligente avec les maillons traditionnels et alternatifs. Voir à ce sujet un article lumineux
  • Bel exemple de symbiose entre l’entreprise numérique et la société numérique.
  • Belle illustration de la nécessité d’étendre les réflexions d’architecture d’entreprise bien au-delà des périmètres traditionnels.




La spécificité du mode d’interaction avec les mobiles et l’ouverture à des applications téléchargées de façon banale, permet le développement de nouveaux processus commerciaux, comme l’explique par exemple l’article sur le webmarketing avec les mobiles : les leviers du webmarketing.
D'ailleurs, dans une morosité générale, s'il y a un secteur en croissance, c'est bien celui de la mobilité qui prend une importance majeure dans le e-commerce (voir : le mobile influence les achats en magasin).


La particularité de tous ces nouveaux leviers est qu’ils sont numériques. Pour leur intégration dans l’ensemble de la chaîne de valeur commerciale, le rôle des interfaces informatiques est majeur : garantir pertinence des informations échangées, évolutivité, sécurité, performances, respect de la réglementation, traçabilité, … Ceci concerne les couches applicatives pour l’interfonctionnement, et jusqu’aux couches techniques pour garantir la mise en œuvre et la conformité.




L’ingénierie de la chaîne de valeur doit ainsi remonter aux écosystèmes numériques. Ce sont les mêmes raisonnements et les mêmes lois qui s’appliquent tout au long des chaînes de valeur, et l’on ne peut ignorer la vision de bout en bout : amont et aval de la chaîne commerciale interagissent pour les mêmes finalités. Et les véritables frontières ne sont pas celles de l’entreprise, mais celles du vécu (voir la notion de frontières développée ici).