La nécessité d’organiser le système d’information autour de « référentiels »,
en anglais MDM : Master Data Management, et de les gérer en tant que tel,
est reconnue de longue date par les informaticiens de terrain. Les grandes
structures ont aussi pris conscience des enjeux et mis en place une gouvernance
adaptée.
Une sclérose naturelle
Car l’évolution naturelle d’une entreprise, ou d'une organisation, si l’on n’y met ordre, suit des lois d’empilement, d’imbrication et d’aveuglement prospectif :
- Empilement par petites touches successives sur l’existant : ajout de nouveaux services dans l’organisation, processus spécifiques dédiés à des cas particuliers, extension de la sémantique opportuniste pour répondre à de nouveaux besoins prosaïques, nouveaux applicatifs recouvrant pour partie des fonctionnalités existantes par ailleurs, … Plus l’entreprise est complexe, plus son patrimoine est méconnu, et plus l’empilement, dû à la méconnaissance, ou à une connaissance limitée à un voisinage réduit, sera intense.
- Imbrication, car les relations entre les différentes composantes de l’entreprise se font, au fil des temps, par facilité et commodité du moment, sans vision globale. Ces relations d’imbrication rendent les évolutions très difficiles, voire impossibles pour un coût ou un délai raisonnables. Toutes les structurations de l’entreprise subissent cette loi naturelle, qui touche l’organisation, les processus, le SI dans ses volets données et applicatives.
- Brouillard prospectif, car la vision réduite au niveau local l’est aussi bien au plan temporel. Absence de vue globale et de projection de cette vue à diverses échéances sous le double effet des inconnues stratégiques, et des rigidités inscrites dans le patrimoine. D’ailleurs une conscience globale et prospective, arrivé à un seuil de complexité, est-elle raisonnablement envisageable ?
Ainsi, l’entropie
de l’entreprise s’accroît au cours du temps, et la menace de sclérose.
En théorie, le remède est simple : mettre en place des
référentiels, une gestion des données de référence.
Les obstacles
En pratique, il y a plusieurs obstacles, de divers ordres.
D’ordre applicatif
Avec un patrimoine complexe et imbriqué, il est hors de
question de le « casser » en substituant, à des données locales à telle
application, à des pseudos référentiels, un référentiel nouveau et sainement
constitué. Cela ne peut se faire que progressivement, avec les évolutions
naturelles du patrimoine, comme le recommande l’urbanisme des SI à la française.
C’est donc une opération de longue haleine, que la fébrilité et les difficultés
contingentes repoussent souvent à de jours meilleurs.
- Au cas où on a cependant admis le principe de l'urbanisme, la courte vue risque fort, par inconscience, de séquencer les projets à l’envers : par exemple, on fera passer un gros projet, bien sûr naturellement en retard, en premier, sapant d’avance tous les apports du référentiel. Au lieu de construire le composant d’architecture qu’est le référentiel en avance de phase, on le diffère. Ou bien, ce qui n’est pas nécessairement mieux, on l’embarque dans le gros projet, qui le formate alors selon sa vision égoïste.
- Si enfin tout est remis dans l’ordre de la partition qui doit être jouée (prévue en un schéma directeur par exemple), les risques d'effet "domino" sont forts, et les incidents de parcours, compte-tenu du rôle de « pilier » que joue un référentiel dans l’architecture des cathédrales que sont les SI, peuvent être lourds voire fatals.
Cependant, et cette note
très positive n’est pas toujours correctement connue, il existe des progiciels
de MDM spécialisés, flexibles, performants. Surtout ces systèmes sont interfaçables aussi bien de façon
traditionnelle avec les applications existantes qui pourront être « leurrées »,
qu’avec de nouveaux composants accédant en mode service, au travers d’API. Car la
flexibilité de la solution est indispensable pour ne pas figer les modes d’alimentation
et de consommation des données de référence.
Une autre note positive est que la fonction d’urbaniste
des SI et d’architecte d’entreprise est reconnue, en particulier avec le Club Urba-EA. Il y a donc des « vigies »
qui sont en position de voir global et loin. Elles disposent de méthodologies
dédiées à l’EA, qui facilitent leur travail, à condition de les utiliser à bon escient.
D’ordre conceptuel
Première difficulté : Les données-informations-connaissances
évoluent selon des cycles distincts, et qui doivent être nettement objectivés
et dissociés, dans la terminologie :
- Données du monde réel
- Architecture des informations : définition des données et de leur syntaxe (métadonnées de syntaxe)
- Architecture des connaissances : définition des données et de leur syntaxe (métadonnées de sémantique)
Trois niveaux de modélisation |
Deuxième difficulté : il existe 2 axes d’extension qui
brouillent l’analyse, si l’on ne les fait pas non plus clairement apparaître :
- Le champ sémantique qui développe à l’infini les concepts, en ajoutant de nouvelles informations, des nuances, particularités, relations, des caractéristiques,…
- La propriété et le partage sur ce champ et ses divers sous-ensembles (axe que l'on pourrait éclater en axes RACI, mais restons simple…)
Le schéma ci-dessous représente les 2 axes combinés avec les
3 niveaux.
Toutes ces structures sont en symbiose avec la culture, l’organisation de l’entreprise, de l’écosystème, en un mariage complexe.
Toutes ces structures sont en symbiose avec la culture, l’organisation de l’entreprise, de l’écosystème, en un mariage complexe.
De l’ordre de la gouvernance
Il est nécessaire de correctement configurer la gouvernance et la répartition des rôles de gestion. Le modèle à 3 niveaux et 2 axes permet d'instancier ces structures pour répondre au mieux aux objectifs de l’entreprise. En effet les données de référence sont de puissants leviers :
- De cohérence, mais aussi de synergie, et d’autonomie, entre les différents opérateurs de l’écosystème,
- De qualité des données, et donc d’excellence opérationnelle, de qualité de service,
- De partage culturel,
- D’image, de communication interne, de lisibilité,
- D’analyse des activités,..
La mise en place d’une gouvernance des données de référence est
ainsi un des piliers de l’Architecture d’Entreprise.
Cette gouvernance fait apparaître des jeux d’acteurs aux
trois niveaux, et au cours des trois cycles, dans une organisation somme toute
complexe, à géométrie variable, mais tueuse d’entropie.
Finalement ce sujet demanderait de longs
développements, des exemples, le propos ici était de poser quelques bases,
hélas un peu trop conceptuelles. Que le lecteur m’en excuse. Sur un sujet connexe voir sur ce site le texte sur les puits de données.
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