Tout est transformation et l'Architecture d'Entreprise, l'EA, a l'ambition de transformer l'Entreprise.
Pourtant la nature, les sociétés, les bactéries, les individus, les acteurs économiques n'ont pas attendu l'EA pour se transformer et transformer.
L'Architecture d'Entreprise est une discipline qui se cherche, confrontée à un brouillard de méthodologies, une inflation de framework, voire de concepts variés présentés comme fondements par chaque chapelle méthodologique.
Un temps, on a pu trouver dans la polarisation sur l'Architecture des Systèmes d'Information, origine historique de l'EA, l'explication de ce flou et du mirage que serait une Architecture du Business.
Hélas le brouillard demeure, et l'EA semble inscrite dans un paysage flou. Chacun s'efforce de définir cette fameuse EA, mais dans les différentes approches proposées par les chapelles, et malgré la richesse et l'épaisseur de la documentation disponible, ressortent plusieurs confusions :
- Confusion car on ne sait distinguer, et dissocier, les différentes chaînes de valeur qui assurent les transformations intimes à la vie de l'entreprise. On connait mal leurs biorythmes, les événements qui en déterminent la cadence, l'architecture de valeur qui répartit les rôles des artisans de ces multiples vies : services au contact, centres de ressources partagées, services experts, SI, données maîtres, règlements, patrimoine, ...
- Confusion car on ne dispose pas de modèle pour analyser une transformation, les modèles disponibles s'appliquant à des entreprises types, et proposant une modélisation stéréo-typique du business globale. On a le choix entre une vision trop détaillée et "collée" sur l'instrument (le SI, le processus, l'organisation) et cette vision globale uniforme.
- Confusion, car on ne sait pas sortir du périmètre figé de l'entreprise, alors que celle-ci vit de plus en plus en symbiose avec un écosystème étendu.
Prenons l'exemple de l'approche de l'Open Group, Togaf : elle se polarise sur la transformation, à composante et motivation SI, avec un cycle orienté gros projet et une gouvernance traditionnelle en boucle. C'est une vision héritée de la gouvernance par le SI et les gros projets.
Explicitement, la Transformation du SI est au centre du sujet.
Les experts architectes d'Entreprise veulent bien sûr se situer au niveau de la globalité, et replacer le SI comme moyen, opérationnel ou stratégique, mais comme moyen et non comme finalité, et Togaf peine à évoluer dans ce sens.
Car la question est celle de la transformation de l'entreprise.
Celle-ci obéit certes à quelques généralités, mais comment la modéliser sans compréhension des divers fonctionnements qu'il faut transformer ?
On se perd alors dans le discours, les incantations, les préconisations, les comparaisons lénifiantes entre framework, et le constat d'une confusion (voir l'opinion d'un expert à ce propos).
CEISAR : le cycle de transformation de l'Entreprise |
Il faut donc disposer d'un modèle de l'entreprise, avant de proposer un modèle de transformation pour celle-ci. Mais il faudrait que ce modèle soit adaptable, configurable pour coller à la réalité, aux variations :
- la variété des métiers, car coexistent au sein de l'entreprise plusieurs transformations qui sont propres à son activité et qui la tirent vers différents azimuts (voir sur ce site les azimuts des chaînes de valeur), et les stéréotypes restituent mal les spécificités des différents métiers
- la variété des périmètres d'Entreprise et de fonctionnement au sein d'un écosystème de plus en plus ouvert
- les subtilités des composantes de la valeur (cf. le polymorphisme de la valeur), trop souvent ignorées à l'avantage de la vision financière réductrice et rationnelle, qui gomme les aspects psychologiques, sociologiques, culturels, informels
Ceci explique la multiplication des propositions de modèles, soit sectoriels, soit génériques. Dans notre contexte français, le modèle proposé par Ceisar est sans doute un des meilleurs de la famille des génériques.
L'EA devrait pourtant transcender l'étroite vision des systèmes d'information et d'organisation, et dépasser les basses couches technologiques, les choix de structure, le détail des process. A défaut de vision globale des chaînes de valeur, les modèles analytiques se fondent sur les ressources, les process, les fonctions, les solutions, les modèles d'information, et non sur le tamis des transformations.
Exemple d'axes d'analyse des transformations |
Et si l'entreprise doit se transformer, qu'elles sont les évolutions exogènes (marché, réglementation, transformation numérique, ...) qui doivent être anticipées, et comment s'imposent à elle ? Qu'elles sont les chaînes de valeur remises en cause, où sont localisés les changement réels et potentiels. Qu'elle l'échelle de temps sur chaque axe d'analyse ? Quelles sont les vitesses de changement du contexte, sur ces axes ? Les évolutions endogènes du modèle analytique sont la réponse aux défis exogènes, qui portent sur les chaînes de valeur, et non sur leur instrumentation par des processus, du SI, de l'organisation.
Nuage de mots de Togaf ego-centré |
S'agit-il d'Architecture d'Entreprise ou d'Architecture de Confusions ?
Les architectes d'Entreprise devraient percer ce brouillard et percevoir les vraies bases, les vrais cycles et parcours, les vrais invariants, tous les invariants et tous les cycles, ( voir sur ce site des exemples d'analyse de cycle ou de parcours) sur le périmètre des écosystèmes, par delà les frontières de l'Entreprise.