dimanche 25 septembre 2016

Les API vont-ils dissoudre le monde économique ?

Les API, interfaces standardisés, publiés, gérés, ... se développent dans l'économie de façon extensive.
La douce époque des "échanges informatisés", à base de normes interprofessionnelles, et de standards gouvernés, l'époque des EDI, de flux batch massifs, est surannée.

Les API s’immiscent à tout propos, dans les relations internes à l'entreprise, ou dans ses interactions avec ses clients, ses partenaires, voire avec des start-up friantes de conquêtes de segment de la chaîne de valeur.  Cette invasion ne va pas simplement bouleverser les SI, mais surtout rebattre les cartes des affaires.

Les transactions entre acteurs économiques


Chacun sait que la "valeur" résulte des transactions entre les acteurs économiques, car ces transactions matérialisent un échange. Echanges de biens, de services, de prestations, qu'elles soient marchandes ou non.
L'API devient la cheville ouvrière de ces transactions. Elle en change radicalement les modalités, le contexte socio-technique, la performance et le coût.

  • Les modalités sont différentes : là où, bien souvent, il fallait solliciter un acteur humain, plus ou moins indisponible, téléphoner à un service saturé, remplir un formulaire complexe et inadapté, ou faire la queue à un guichet... la transaction est directe, colle à l'événement, et, dans l'idéal, aboutit sans détour au résultat attendu.
  • Le contexte socio-technique est dès lors différent, ne mobilisant l'acteur humain qu'à bon escient, en toute connaissance de cause, le plaçant directement sur la globalité du sujet, sans perte et fragmentation dans de sombres processus.
  • La transaction ainsi instrumentée est plus performante, agréable aux parties, et différenciante dans un contexte concurrentiel.
  • Enfin, le coût de transaction, à forte composante technologique, chute de façon drastique, pour les transactions courantes, internes et externes, des entreprises et organisations.
Comme souvent, sous couvert d'une transformation numérique, une modification plus fondamentale est engagée.



La dissolution des frontières internes et externes


En effet, l'opportunité de changer de façon radicale les relations, internes comme externes, aura forcément des conséquences majeures :
  • pour les organisations internes, qui structurent le fonctionnement des entreprises et institutions,
  • pour les périmètres des entreprises.
Par exemple, en interne, la généralisation des API favorisera une organisation différente, moins structurée par les silos métier, plus fonctionnelle et modulaire, avec une hiérarchie réduite. Plus de fonctions seront ainsi facilement mutualisées et transversales.
En effet, les APIs et leurs contrats formaliseront le cœur des opérations, sans les inconvénients et les limites des relations humaines.
L'organisation  traditionnelle s'appuie sur une fragmentation des équipes, leur localisation en proximité, la cascade hiérarchique pour gérer les effectifs, les compétences métiers, les multiples transversalités.
En somme, après avoir été pendant des décennies structuré par l'organisation en "métier", et sa rigidité, à son tour, le SI structurera toute l'entreprise. C'est déjà ce qui apparaît avec la mise en place, dans de grands comptes, d'une Direction "Digitale", intégrant nouveau business et SI agile, et armée d'APIs.
Le mouvement provient de la technologie... Certes, mais l'effacement des barrières matérielles gomme ces artifices historiques, et aligne progressivement les organisations aux chaînes de valeur, par delà les frontières des métiers traditionnels.

Ce même mouvement remet rapidement en cause les frontières des entreprises. Déjà elles fonctionnent de plus en plus en écosystème le long des chaînes de valeur. Elles s'ouvrent à des partenariats, explorent les segments amont de la valeur. Dans ces interfonctionnements, la composante SI devient primordiale, et les jeux de configurations en sont facilités. En symbiose par APIs, les SI des partenaires deviennent reconfigurables.

Ainsi, à terme, avec les APIs, les entreprises deviennent elles-mêmes reconfigurables, pour leur bonheur ou leur malheur. Les lignes de fracture vont bouger, sur l'échiquier de la Trame Business.

APIfier mais autour de quelle architecture ?


Comment être à la hauteur des enjeux ? Il ne s'agit pas d'aller à l'encontre d'une dynamique vertueuse, qui pousse à ouvrir le SI, à le rendre accessible par tous moyens numériques. Mais où ces aménagements de surface conduisent-ils l'entreprise ?

On pourrait croire au miracle d'une mise en cohérence progressive, une simplification naturelle inconsciente, une sorte de "main invisible" qui mettrait tous les SI dans une situation optimale.

Pourtant l'expérience enseigne que seul le désordre se développe naturellement !

Au fond, par delà les API de surface, de quelle "architecture" l'entreprise se dote-t-elle ?

L'évolution de l'architecture est une transformation d'un autre ordre. Elle se réduit pas à l'API management. Elle dépasse le court terme, et pose des problèmes structuraux difficiles : maintien de l'existant, tolérance technologique, cohérence des référentiels, ...

On retrouve les grands classiques de l'Architecture d'Entreprise, d'une EA repositionnée, et revisitée, suite à l'invasion de l'informatique "agile". Car au centre de cette transformation, se trouve l'architecture du SI. L'évolution de cette architecture ne peut se faire en un instant, même si les métiers de l'IT deviennent miraculeusement agiles. Par construction, l'architecture du SI est un levier aux infinies conséquences, bien au delà du SI, des processus, jusque dans les opérations vitales de l'entreprise, sur les façades client, fournisseur, définition des produits, gestion des ressources, etc... Dans toutes les dimensions du Business Model.

Il s'agit alors d'investir sur le durable, en complément de l'APIsation, pour donner une nouvelle force à l'architecture sous-jacente.

Voilà une raison de plus de s'engager résolument dans l'Architecture Flexible, pour que l'avenir ne reproduise pas les errements du passé.

Les invariants sous-jacents révélés


Les APIs effacent les contraintes matérielles, mais ne vont pas recréer le monde. Les cycles de vie demeurent, pour les individus, les familles, les sociétés. Le monde ne s'arrêtera pas, les mêmes événements se produisent, simplement ils sont directement appréhendables par des moyens numériques.

Ayant prêché pendant des années pour la reconnaissance de cette invariance (voir à ce sujet la "Trame Business"), l'émergence des API renforce ces vérités premières. Les multiples APIs brillent de milles facettes. Mais, quand les viscosités, héritées des contraintes passées, seront dissoutes, elles refléteront les cycles et parcours qui structurent le monde vivant.

L'erreur serait de ne s'en tenir qu'à une vision superficielle, à une euphorie technologique, sans analyser ces cycles de vie, ces transformations, qui sont le fondement.

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